INTERVIEW

Perrine Crosmary

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Envoyée spéciale des animaux

pour Canal+ et Planète+

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Bonjour Perrine,

 

Animatrice TV pour l’émission « Les Nouveaux Explorateurs » sur Canal+, maintenant pour l'émission "Planète Safari" sur Planète + et présidente de l’association HISA (Human Initiative to Save Animals) qui œuvre pour la protection des espèces menacées, tu es depuis toujours passionnée par le lien étroit qui lie, l’homme et les animaux sauvages. Peux-tu nous dire, d’où te vient cet intérêt pour le monde animal ?


Perrine : Bonjour, Franck !

 

J'ai toujours été "connectée" à la nature et aux animaux. Déjà vers 4 ans, lorsque je voyais une feuille de papier, je ne voyais pas qu'une feuille mais l'arbre abattu pour faire cette feuille de papier. Je m'étais mise en tête de protéger toutes les feuilles de papier, car c'était des arbres....Mes parents retrouvaient des piles de feuilles sous mon lit, dans les armoires et il n'y en avait plus une dans le bureau ! Je faisais l'élevage de blattes dans mon casier aussi et je me faisais même coller pour cela... Il y avait de tout dans mon casier, une souris dans ma trousse, des coccinelles aussi...


 

Depuis toujours, la ville ne m'a jamais attirée et je passais mon temps à regarder la vie d'une mousse en forêt plutôt que courir les magasins. Je vivais à la campagne et je passais mon temps à observer les insectes, les batraciens, les oiseaux, je construisais des nids pour les muscardins, je vivais dehors en permanence. Je ne m'ennuyais jamais. Quand j'ai grandi et que j'ai du déménager en ville, je reportais mon intérêt pour les animaux ailleurs... Je regardais les documentaires animaliers, les aventures du commandant Cousteau, les émissions d'Allain Bougrain-Dubourg, je signais les pétitions et en proposais aussi dans mon école sur les mêmes sujets qui animent toujours la toile de nos jours, comme la chasse aux phoques aux Canada, le port de la fourrure, la chasse à courre, la chasse aux dauphins au Japon, le Grind aux îles Féroé...

 

Ces pratiques existent toujours, certaines s'intensifient même, comme le port de la fourrure. Les recherches démontrant la sensibilité des animaux, le militantisme contre la maltraitance animale ou la sauvegarde des espèces menacées augmentent mais malheureusement la "tradition" et l'argent généré par l'utilisation de l'animal sont des freins majeurs au changement des mentalités.

 

Les documentaires dans lesquels j'apparais sont en lien étroit avec la nature et les animaux et je rencontre beaucoup de gens sur mon chemin depuis. Des braconniers, des chasseurs de trophées, des trappeurs, des éleveurs, des pêcheurs, des acteurs de la conservation des animaux, des scientifiques... Les points de vue, les démarches, les conversations que j'ai eues avec les gens m'ont permis d'avoir une vision plus précise sur la nature humaine et les choix de chacun sans forcément y adhérer.

Après avoir vécu 3 ans au Zimbabwe et réalisé la formidable série documentaire « Aux frontières de Hwange » tu as parcouru le monde dans l’émission « les Nouveaux Explorateurs » et essayer de mettre en lumière les problématiques du  « bien vivre ensemble » entre l’humain et la faune sauvage. Si tu avais, dans ces voyages une rencontre qui t' a marqué et que tu aimerais nous faire partager, quelle serait-elle ?         

Perrine J'ai beaucoup appris en vivant ces expériences au bout du monde, en incarnant ces documentaires. La rencontre qui m'a le plus marqué est celle d'un trappeur au Canada. Je suis contre toutes formes d'utilisation ou d'exploitation de l'animal. Au cours des années, j'ai réduit ma consommation d'animaux sous toutes ses formes. L'utilisation de la fourrure fait partie des utilisations les plus incompréhensibles de nos jours. Je suis allée me "frotter" aux trappeurs qui piègent pour la fourrure des animaux aux Canada. J'avais très peur avant d'y aller, car je ne savais pas comment j'allais réagir face caméra. Dans les Nouveaux Explorateurs il fallait toujours montrer le monde avec bienveillance. Souvent c'était facile car j'allais voir des peuples qui vivent de la nature et entretiennent un rapport de survie avec elle ou encore je rencontrais des gens qui protègent les animaux. Mais là, je partais rencontrer une personne qui tue des centaines d'animaux, dans une souffrance extrême, pour... de l'apparat. Aujourd'hui, la fourrure produite c'est pour paraître et pas pour lutter contre le froid. Je me souviens encore du malaise au départ car je lui avais dit que j'étais plutôt du genre à enlever les pièges plutôt qu'à les poser...Il m'a tout de même montré ses pièges, les photos des dizaines d'ours, castors, lynx, renards qu'il piégeait chaque année sur son terrain. Il m'a même montré un loup mort dans son congélateur, moi qui n'en avais jamais vu  vivants en liberté! Je ne savais pas quoi dire. Il était content de me montrer cette magnifique bête tuée et moi je ne voyais aucune beauté dans cet animal mort. Je n’ai pas de problèmes avec la mort d’un animal ou des carcasses, c’est la démarche derrière l’acte de tuer et toute la souffrance qui en découle que je ne supporte pas.

Ensuite on a parlé plus longuement... on aurait pu faire un documentaire uniquement sur ce sujet... Il m'a avoué que la demande en fourrure était croissante au Québec, que les ventes explosent depuis peu de temps. Une fourrure de loup pouvait monter jusqu’ à 1000 dollars. Il n'avait jamais vu ça ! Au départ, il piégeait seulement pour conserver sa concession que lui alloue le gouvernement. (Il peut garder sa concession et son chalet seulement s' il piège un certain nombre d'animaux sur son territoire et qu'il vend des fourrures chaque année). La demande européenne et bien sûr asiatique et russe est exponentielle. Il répond à cette demande... Il est à la base, comme d'autres, d'un système légal, rôdé, orchestré par le gouvernement et influencé par un marché en expansion constante... C’est aussi une passion ancrée dans le sang des pionniers comme des autochtones du Canada, ce depuis des siècles.

 

Rencontre avec un loup d'Abyssinie
Rencontre avec un loup d'Abyssinie
leopard perrine crosmary
Afrique du Sud - Sur son arbre, Lisbon le léopard (Photo Perrine Crosmary)

Très impliquée au sein de l’association HISA (Human Initiative to Save Animals) qui protège les espèces menacées, tu te bats notamment pour la préservation du léopard des neiges au Ladakh (région indienne). Peux tu nous parler de cet animal fabuleux et nous expliquer les actions que vous avez mises en place pour le protéger ?

 

Perrine : Avec des amis, nous avions envie à notre niveau de participer à la protection d'animaux sauvages. Nous sommes une petite structure avec peu de moyens mais grâce à notre association, nous arrivons à aider des projets comme celui sur la panthère des neiges au Ladakh. La panthère des neiges est un félin menacé magnifique, qui fait rêver et que je n'ai jamais vu. Plusieurs fois on m'a proposé de voir cette espèce dans un zoo. Je ne trouve aucun intérêt à "observer" un animal captif, il n'est que l'ombre de lui même... j'ai toujours refusé. Je préfère le savoir libre et à lutter pour sa survie dans la nature que derrière des barreaux. Néanmoins, sur place c'est compliqué. Il y a de vraies menaces qui pèsent sur cette espèce comme partout sur notre planète. Le braconnage bien sûr, très difficile à maîtriser mais aussi la perte de l'habitat dû à l’élevage, et par conséquent les représailles des éleveurs sur ce félin qui s'attaque au cheptel des communautés Ladakhis.
 Nous essayons d'aider la SLC (Snow Leopard Society) sur place en envoyant des dons surtout pour la construction d'enclos "Leopard proof". Cet enclos ultra sécurisé est très efficace contre les attaques de panthères des neiges sur le cheptel!
 Préserver les animaux sauvages passent par la préservation de leur habitat naturel et à l'amélioration des conditions de vie des villageois qui vivent sur les mêmes terres. C'est ce en quoi nous croyons.

conference panthere des neiges snow leopard suisse bex
Conférence sur le projet Panthère des neiges avec Tsewang Namgail à Bex, Suisse

Malaisie, photos prises dans une zone de transit d'éléphants sauvages récupérés par les autorités. Ils récupèrent des animaux issus de conflits avec des villageois ou dans des plantations d'huiles de palme. Cette femelle était séquestrée avec son petit dans une cage sordide et minuscule. La bas, beaucoup d'éléphants étaient enchaînés. Les autorités ne savaient pas où relâcher ces 2 individus car il n'y a plus assez de place pour contenir les animaux dans les forêts malaisiennes aujourd'hui. Il faut savoir que la Malaisie est le pays qui a subi la plus forte déforestation au monde entre 2010 et 2012.

Tantôt au Zimbabwe, en Ethiopie ou au Canada, tu approches des espèces animales que peu de gens ont la chance d’observer, mais n’ y  a-t-il pas un animal qui te fascine plus qu’un autre ?

 

Perrine : J'ai beaucoup de mal à répondre à cette question. Je vivais surtout ma passion à travers les livres et toutes les espèces me fascinaient! Avec mes voyages, ma fascination pour les buffles reste certainement la plus forte.  J'ai eu l'occasion de voir un des derniers grands troupeaux de Tanzanie qui regroupe environ 1000 individus. Localement, la rencontre avec un cerf ou un renard dans la forêt est toujours précieuse. Surtout quand celui-ci vous voit et finalement s'attarde quelques secondes. En France, la pression de chasse est si forte que ces moments avec la faune française sont de véritables cadeaux.

marabout planete safari tanzanie perrine crosmary
Marabout aux portes du Serengeti (Tanzanie)

A travers tes multiples expéditions au contact de la vie sauvage, tu es amenée à rencontrer diverses créatures ! N’as tu jamais eue peur ? 

 

Perrine : J'essaie toujours de ne pas approcher les animaux trop près, de respecter des limites. Je n'aime pas vraiment le contact « forcé » avec des animaux sauvages, je vois plutôt cela comme une rencontre entre deux animaux :-) 

J'ai surtout du mal avec le dérangement que l'on occasionne. En safari par exemple, le gens font souvent n’importe quoi, parlent fort, crient et j’en ai vu même jeter des pierres sur une lionne et ses petits pour attirer le regard de l’animal et prendre une photo. Mais on est où là? 

J’ai du cependant pour des tournages, m'approcher très près en Malaisie d'un cobra royal de 5,5 m ou encore d'un troupeau d'éléphants sauvages avec des mâles en musth (période de reproduction). Ce sont des situations que j'évite au maximum en fait, pas forcément pour moi ou par peur mais plus pour l'animal. Je me mets toujours dans la peau de l'être qui est en face de moi. Je préfère être loin et observer avec la jumelle plutôt que d'interférer. Si l’animal s’approche c’est différent, c’est qu’il n’a pas peur, qu’il n’est pas stressé par notre présence. Beaucoup d’animaux ne nous calculent même pas. Je me souviens en Zambie d’un lion qui est passé à un mètre de ma voiture sans portières ni toit. Il aurait pu venir me renifler, me monter dessus, me sortir de la voiture comme il le voulait mais il ne l’a pas fait. Si nous savons nous comporter, ce genre de rencontre est sans danger.

 

cobra royal king
Cobra royal (Image Michael Allen Smith sous licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 2.0 Générique )

Originaire de la région Auvergne où tu as grandi, tu as un parcours assez atypique. Pour tous les jeunes qui nous lisent et qui voudraient embrasser ta carrière, quel a été ton parcours ?

 

Perrine :  J'ai fais beaucoup de choses dans ma vie et d'études autour des animaux. Il y a beaucoup de manière de travailler pour eux où avec eux. J'ai beaucoup lu sur la biologie des animaux, fait des études en archéozoologie, en cinéma animalier, rencontré beaucoup de gens, fais beaucoup beaucoup de terrain et participer à de nombreux stages pour définir vraiment ce que je voulais faire. Il n'y a pas de chemins prédéfinis à l'avance, certains feront véto et seront vétérinaires. D'autres sont juges, mécaniciens, garde du corps et deviennent photographes animaliers, rangers, protecteurs des guépards en Afrique. Il faut surtout s'accrocher à ses rêves, ne pas lâcher, jamais, même quand c'est très dur. Vous pouvez un temps vous perdre et errer dans le labyrinthe des décisions et des chemins à prendre dans votre vie mais si sauver les animaux est votre passion, il y a plein de moyens pour y parvenir! Fonder sa propre association, faire des stages, agir au sein d'un refuge, lancer une pétition. Pas besoin d'aller au bout du monde d'ailleurs. Localement les animaux ont besoin d'aide et rentrer dans le monde associatif est une belle porte d'entrée pour travailler pour la cause animale.


 

Parlons maintenant, un peu de tes projets ! Tu vas animer en octobre prochain une émission appelée « Planète Safari » sur la chaine Planète+, peux tu nous en dire un peu plus ? 

 

Perrine :  Après les Nouveaux Explorateurs, je me suis pas mal consacrée à la vie associative pendant un an, notamment avec HISA et on m'a proposé d'incarner des documentaires en tant que guide de safari. (j'ai été guide de safari pendant 2 ans quand je vivais au Canada).    

Dans les documentaires, j’emmène le téléspectateur à la découverte des animaux sauvages d'Afrique en immersion totale dans l'univers des safaris.


planete+ planete safari tournage interview perrine crosmary
(tournage du premier épisode de Planète Safari au Masaï Mara (Photo Clive Dougherty)
tournage namibie planete+ planete safari perrine crosmary
En tournage en Namibie pour Planète Safari à Etosha

Passionnée par les animaux, mais également par l’art, tu réalises depuis quelques années, des peintures animalières. Aimerais tu nous parler d’une de ces toiles, en particulier, et nous dire ce qu’elle représente pour toi ?

 

Perrine  : J'ai toujours peints ou dessiné des animaux, des paysages de nature. J'avais dans l'idée de faire une série de 12 toiles sur l'animal objet. Avec ma nouvelle émission, c'est en suspend à mon grand regret... Je suis beaucoup partie depuis un an et demie et j'ai fait seulement une première ébauche de ma première peinture ! Ce sera une peinture d'oryx, on verra par transparence dans sa cage thoracique son cœur qui bat... Les animaux sont comme nous, des êtres sensibles, avec des muscles, des os, une peau, des sens... Ils ressentent comme nous la douleur, la tristesse, la joie. L'oryx fait partie des espèces chassées pour leurs cornes en Afrique, on mange sa viande et j’ai récemment vu qu’on en faisait aussi du pâté en Afrique du Sud comme le cerf ou le sanglier chez nous. Cet animal est le premier d'une série que j'espère continuer un jour sur la sensibilité animale. Je tourne la deuxième saison de Planète Safari, je risque de me remettre à la peinture seulement dans un an voir plus...


toile peinture perrine crosmary oryx gazelle
Ebauche d'Oryx gazelle (Perrine Crosmary)
grand koudou toile peinture perrine crosmary
Cornes de grand Koudou avec branchages (P.Crosmary)
hyene toile peinture Perrine Crosmary
Hyène tachetée ( Perrine Crosmary)
plume perroquet toile perrine crosmary
Plumes de perroquets - Brésil (Perrine Crosmary)

tamanoir fourmilier toile peinture perrine crosmary
Tamanoir et son petit (Perrine Crosmary)
ours noir quebec toile peinture perrine crosmary
Ours noir - Québec (Perrine Crosmary)

Illustration issue de mon expérience au Québec où ces ours étaient étudiés par des scientifiques et tirés par les chasseurs pour la viande où les trophées. Chaque année 5000 ours sont tués. On estime leur population aux alentours de 80 000 au Québec.


Pour terminer, je propose à mes invités un petit portrait chinois, qui nous permettra de te connaître d’avantages ! tu es prêtes ?

 

voilà de quoi il s’agit :


Portrait chinois

Perrine Crosmary


Si tu étais un animal

  

Un renard, c'est mon animal totem

 

Une citation ou un proverbe

 

On a pas deux cœurs, un pour les animaux, un pour les humains, on a un cœur ou on en a pas! Lamartine

 

Une association de protection animale

 

Every Living Thing à Dar es Salaam où j'habite. Cette association oeuvre pour améliorer de la vie des animaux en Tanzanie. Leur but est de travailler avec les communautés locales en les sensibilisant sur le droit des animaux, leur bien-être. Ils ont un refuge, ils travaillent avec les écoles, les villages sur une meilleure considération des animaux en général.

  

http://www.everylivingthing.or.tz/

 

 Un site internet en rapport avec les animaux

 

 Pour tout savoir sur le spécisme... mon site référence

 

http://www.cahiers-antispecistes.org/

 

Un animal fantastique ou disparu

 

Le cerf mégacéros

 

Une espèce à protéger

 

La Terre (elle est vivante)

 

Une émission TV consacrée aux animaux

 

Elle n'existe pas encore à la télévision! Une émission sans langue de bois qui parlerait des solutions alternatives à l'utilisation abusive de la nature et des animaux par l'être humain.

 

Une région du monde

 

Le Cantal

 

Un animal célèbre (film, roman ou actualité)

 

Lolita qui vit depuis 40 ans en captivité dans le plus petit aquarium du monde à Miami.

 

Un souhait pour la planète

 

Que le réveil des consciences continue...


Perrine,

merci pour cette interview passionnante qui nous a permis de te découvrir un peu plus. Pour ma part,  je vous invite à découvrir le premier numéro de planète safari sur Planète+ le 5 Octobre prochain dès 20 h 55 et je vous donne rendez vous sur Diconimoz, prochainement pour une nouvelle interview de "Mon métier avec les animaux"!

A très bientôt !

Animalement, vôtre,

 

Franck Badet

Fondateur et rédacteur de Diconimoz


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